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de Hautes Études

Sophia Mounib pose son regard sur les opportunités et enjeux que rencontre un secteur de l’hospitalité marocain en effervescence. Avec justesse, la fondatrice de Talent Advisor nous confie certains leviers qui permettront au Maroc de tirer son épingle du jeu et de faire rayonner plus encore la légendaire hospitalité marocaine.

Diplômée de Glion Institute of Higher Education à Montreux en Suisse et d’un Master en Luxury Brand Management de l’INSEEC Paris, Sophia Mounib a ensuite fait ses armes au sein de groupes hôteliers prestigieux tels que le Président Wilson, Four Seasons, Ritz-Carlton ou encore Hyatt Hotels. En 2019, c’est le déclic entrepreneurial : Talent Advisor, premier cabinet exclusivement dédié au secteur du luxe expérientiel au Maroc, voit le jour. Son constat est simple : le secteur du luxe, qu’il s’agisse de l’hôtellerie, de la restauration, de l’immobilier de prestige, de la haute joaillerie, de l’événementiel ou de l’automobile, peine à valoriser pleinement son attractivité. Au fil de notre entretien, Sophia nous révèle la vision holistique de son cabinet de recrutement : agile, transparent, aligné avec les aspirations des talents et des entreprises du luxe expérientiel.

The Insider (TI) : Talent Advisor est un cabinet d’accompagnement au recrutement et de mise en relation spécialisé dans le luxe expérientiel, qu’est ce qui le différencie concrètement des autres cabinets existants ?
Sophia Mounib (SM) : Merci pour cette question. Tout d’abord, nous avons toujours eu la volonté de nous spécialiser et d’asseoir notre expertise dans le secteur du luxe expérientiel. Il était essentiel de répondre aux défis rencontrés par le secteur du luxe et de répondre à ses exigences singulières, notamment en termes de qualités humaines recherchés.

Il a également fallu aborder la question de l’attractivité du secteur qui peine à attirer de nouvelles compétences.

Le parcours de recrutement laborieux, la pandémie du Covid-19 et une communication saturée ont exacerbé les difficultés de recrutements d’un grand nombre d’acteurs du luxe expérientiel.

Il a donc fallu penser et proposer une solution globale qui traite les différents enjeux et qui permet d’accompagner nos clients tout au long du parcours de recrutement.

Pour répondre à ces besoins, la plateforme Talent Advisor permet d’avoir accès à un vivier de candidats pré-qualifiés afin de réduire ces tâches chronophages.

Nous accompagnons également nos clients dans l’optimisation de leur marque employeur auprès d’un réseau stratégique dédié au luxe expérientiel grâce à notre rubrique Talent Talks. Rappelons qu’une étude a démontré que 91% des candidats affirment que les informations en ligne sur l’environnement de travail de l’entreprise influencent leur perception et choix de carrière.

Pour nous, un recrutement réussi débute par l’intention du recrutement et reste tributaire de l’image de marque employeur projetée.

Enfin, nous avons fondé en 2023, Talent & Hospitality Connect, un salon annuel de recrutement exclusivement dédié au secteur du luxe expérientiel, qui permet à nos clients de faire briller leur marque employeur et de rencontrer un vivier de candidats animés par ces métiers.

Nous sommes également très impliqués sur le volet associatif, nous sommes membres des Disciples Escoffier et de l’AICR Maroc, cela nous permet de consolider un réseau de confiance et de contribuer à des échanges structurants.

Nous avons donc renforcé depuis plus de 5 ans une expertise et une communauté qui nous permettent de répondre aux exigences spécifiques de nos partenaires, tout au long du parcours du recrutement. De l’intention à la concrétisation de la collaboration.

Depuis le début, nous restons agiles et à l’écoute des candidats et professionnels, fidèle à notre modèle et mindset start-up nous n’avons pas peur de constamment nous réinventer pour répondre le plus justement aux besoins.

TI : Peut-on dire que les vocations de Talent Advisor sont également la valorisation des métiers du luxe expérientiel et l’optimisation de la qualité du niveau de services au Maroc ?
SM : Nous sommes ravis de pouvoir accompagner le rayonnement des métiers du luxe expérientiel au Maroc. Nous sommes convaincus qu’être au service des autres est d’une exigence rare.

Métiers de passion et de vocation, la maîtrise de standards et de protocoles spécifiques à ces métiers en font une condition sine qua non.

Force est de constater que le secteur n’est pas suffisamment attractif, les candidats ne se projettent pas suffisamment dans les métiers de services aux autres, d’autre part dans l’inconscient collectif ces métiers ne sont pas suffisamment valorisés et valorisants.

Par ailleurs, si les candidats sollicitent notre accompagnement pour trouver l’emploi qui leur correspond, les entreprises ont aussi besoin d’être conseillées pour se démarquer et attirer les meilleures compétences. C’est pourquoi nous proposons des solutions à nos partenaires pour renforcer leur désirabilité.

Aujourd’hui il est capital d’emmener vos futurs collaborateurs au cœur de votre entreprise, et ce, même pour les marques très bien établies. Qu’est-ce qui différencie de façon très concrète votre journée de travail ou votre plan de carrière avec un Four Seasons ou l’Intercontinental ? Je peux vous assurer que peu de gens ont la réponse à cette question.

Cette prise de conscience et approche que nous proposons permet en effet d’accompagner le perfectionnement de la qualité des services au Maroc.

TI : Alors avez-vous créé Talent Advisor pour, entre autres, faire rayonner comme il se doit la légendaire hospitalité du Maroc ?
SM : Merci beaucoup pour cette question. Parce que oui, l’hospitalité est une valeur profondément ancrée dans notre culture. Le Maroc bénéficie d’une aura de légendaire hospitalité qui à mon sens est tout à fait légitime et reflète notre héritage et savoir-faire séculaire.

Nous souhaitions donc à notre échelle accompagner le rayonnement de l’hospitalité marocaine, et créer Talent Advisor nous a permis d’affirmer qu’un cabinet d’accompagnement au recrutement 100% marocain est tout à fait à même d’accompagner et de répondre aux exigences de marques aux standards internationaux.

TI : Vous avez étudié à Glion en Suisse et vous avez travaillé chez des acteurs majeurs de l’hospitalité internationale. Selon vous quels sont les points positifs de l’hospitalité au Maroc et quels sont les points à perfectionner ?
SM : Les points positifs s’articulent autour des valeurs d’hospitalité ancrées dans notre ADN. Les femmes et les hommes de l’hospitalité Made in Morocco font toute la différence de par leur générosité innée, leur art de recevoir et leur capacité à faire vivre nos traditions. Ce sont de véritables producteurs d’expériences et d’émotions.

Les rendez-vous à venir et la dynamique actuelle, nous invitent naturellement à vouloir perfectionner notre capacité à offrir des expériences clients d’exception en misant sur la formation, l’innovation et l’excellence opérationnelle.

En développant nos compétences en service personnalisé, en valorisant nos talents marocains et en intégrant des technologies adaptées, nous pouvons renforcer davantage l’attractivité de l’hospitalité marocaine.

Selon moi, il y a un réel enjeu de valorisation et d’attractivité des métiers du luxe expérientiel.
Au Maroc on ne se rêve pas suffisamment hôtelier, restaurateur, chargé de clientèle. Et pourtant, ce sont des métiers qui rythment notre quotidien, leurs prestations sont le reflet de notre hospitalité et savoir-faire et offrent des perspectives de carrières ambitieuses.

Je fais souvent un parallèle, qui vous paraîtra peut-être audacieux, mais je compare ces métiers à une certaine sérotonine de la société, ils sont les garants d’une certaine idée du bien-être, de la rêverie et de l’image que nous projetons.

Je fais souvent un parallèle, qui vous paraîtra peut-être audacieux, mais je compare ces métiers à une certaine sérotonine de la société, ils sont les garants d’une certaine idée du bien-être, de la rêverie et de l’image que nous projetons.

TI : Est-ce qu’il existe des standards internationaux ? Des normes définies qui régissent l’hospitalité et que vous avez apprises à Glion Institute of Higher Education ?
SM : Tout à fait ! À Glion, une notion m’a particulièrement marqué et ce dès le début de mon parcours. J’ai en effet très vite été sensibilisé sur la réelle définition du luxe, synonyme d’expériences ayant la capacité de marquer les mémoires émotionnelles.

Une définition qui peut paraître abstraite voire poétique ou philosophique mais qui concrètement exige une maîtrise des codes de l’hospitalité.

L’art de recevoir ou de délivrer une expérience d’exception ne s’improvise pas, c’est la somme de standards de protocoles et de connaissances transversales.

Pour être pragmatique sur cette définition, prenons pour exemple un restaurateur, pour pouvoir délivrer une expérience et des émotions, il doit être à la fois un excellent gestionnaire, fédérer ses équipes pour les faire constamment monter en compétences sans oublier d’être à la page des dernières tendances et innovations.

Glion m’a également permis de me familiariser avec les standards des différentes chaînes internationales et d’en comprendre les subtilités.

La force des marques établies sont ses standards et protocoles qui sont les piliers de la promesse et du service délivré par tous ses collaborateurs, qui développent un réel sentiment d’appartenance – posons-nous la question, pourquoi un client choisit une expérience au Hilton ou au Four Seasons ? Pour leurs standards, même s’il n’en a pas toujours conscience.

En outre, Glion nous transmet une notion essentielle, celle de l’importance de cultiver sa culture générale. En effet, il est fondamental d’enrichir tout au long de son parcours sa vision et compréhension de tout l’écosystème de l’hospitalité. Quelle que soit l’orientation choisie, cuisine, hébergement, relation clientèle, il faut développer une vision globale et rester à la page des dernières innovations. Une chargée de clientèle qui s’intéresse à l’univers de la cuisine, ou du housekeeping par exemple, aura une approche plus complète et éclairée.

Aujourd’hui, je sais que cette culture générale que Glion m’a transmise, et que je prends plaisir à enrichir au quotidien, nous permet de faire la différence. Ce regard différent, ce “pas de côté”, est une véritable valeur ajoutée pour nos clients.

TI : Quand on pense à Glion Institute of Higher Eduction on pense souvent aux fameuses soft skills enseignées par l’institution ?
SM : Soyons vigilants. Le terme de soft skills a été tellement utilisé, on a tellement parlé de rigueur et de détails, que ces termes sont devenus quelque peu galvaudés. Certains pourraient même avoir l’impression qu’ils sont devenus obsolètes. Or, ils sont toujours pleinement d’actualité ! Cependant, il y a une grande différence entre les comprendre de façon théorique et être capable de les appliquer au quotidien.

Bien évidemment aucun candidat ne va vous dire qu’il n’a pas de soft skills, qu’il n’est jamais à l’heure et qu’il n’est pas exigeant. Néanmoins, et c’est selon moi le grand point fort de Glion, cette institution vous permet d’intégrer pour le reste de votre vie ce que sont réellement les notions de rigueur et d’attention aux détails.

Lorsque j’étais à Glion, je me souviens que si vous ne portiez pas une réelle attention au grooming, vous pouviez être interdit de passer votre examen. En fait, ce n’était pas une question de sévérité mais de respect. Cette pédagogie m’a profondément marquée et elle me guide aujourd’hui encore.

TI : Selon vous est-ce que la formation est suffisante pour redonner toutes ses lettres de noblesse aux métiers de l’hospitalité au Maroc ? et Est-il nécessaire d’impulser un nouveau regard sur ces métiers pour les valoriser davantage ?
SD : Alors, il n’y a pas de formation diplômante ou de Master en Luxe Expérientiel. En revanche, nous avons d’excellentes écoles hôtelières. Les outils sont donc là et j’aimerais insister sur un point. Selon moi ce n’est pas simplement un problème de formation, mais encore une fois d’attractivité. Car combien de jeunes rejoignent ces écoles ? Combien de personnes font-elles le choix d’embrasser ces métiers ? Ces métiers doivent être valorisés grâce à une prise de conscience collective.
Comment ? En mettant en avant les succes stories et en déconstruisant l’idée qu’ils sont mal rémunérés. Alors il est vrai qu’en début de carrière, comparativement aux volumes horaires, les salaires sont plutôt modestes. Mais cette abnégation est récompensée au bout de quelques années, car les tranches salariales sont extrêmement intéressantes et s’alignent avec celles d’autres secteurs.
Je confirme par ailleurs, que la qualité des formations contribue à l’attractivité de ces métiers et que nous sommes actuellement témoins d’une belle dynamique prometteuse pour les années à venir au Maroc.

TI : Selon vous d’ici 2030, avec la Coupe du monde de football en perspective et la Coupe d’Afrique cette année ? Sur quels aspects le tourisme marocain devrait-il se perfectionner. Et comment Talent Advisor peut accompagner le secteur ?
SM : Le secteur est déjà en train de se métamorphoser grâce à toutes les belles ouvertures qui sont à venir, d’hôtels, de restaurants, d’immobilier de prestige et de nombreux investissements dans le luxe en général.

Mais la réussite de ces ouvertures, nécessite bien entendu des collaborateurs qualifiés. Je pense donc que ces perspectives vont accentuer et accélérer la prise de conscience de l’importance de ces métiers.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, comment Talent Advisor va pouvoir accompagner cette transition marocaine ? Grâce à notre expertise et notre savoir-faire. D’ici 2030, nous fêterons nos dix ans d’existence. Dix ans d’expérience et d’anticipation. Notre approche s’est toujours inscrite sur une vision long-termiste, et nous sommes prêts.

Je pense que ce qui nous permettra d’être un acteur clef de l’expansion de ce marché sera le recul que nous avons, l’approche transversale que nous proposons et la communauté que nous sommes parvenus à créer et qui ne cesse de croître sans oublier la confiance précieuse que nous avons su inspirer.

TI : Comment le luxe expérientiel Marocain peut-il se démarquer sur le plan international tout en préservant son authenticité culturelle ?
SM : C’est justement son authenticité culturelle et son héritage qui le démarque sur le plan international. Nous ne cherchons pas à imiter les autres ou à nous écarter de notre essence. La gastronomie marocaine en l’espèce est un véritable soft power et vitrine de notre hospitalité. Enfin, il est essentiel de reconnaitre que l’essence de notre hospitalité repose sur le savoir-faire, les valeurs et l’engagement des Marocaines et des Marocains. Je pense sincèrement qu’en continuant à être fier de notre héritage, tout en perfectionnant notre excellence opérationnelle nous pourrons tout à fait asseoir notre vision du luxe expérientiel Made in Morocco.

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