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de Hautes Études

Véritable touche-à-tout créatif et agitateur de conscience écologique, en plus des projets personnels qu’il développe, Thomas Erber accompagne les marques dans la réinvention des codes du luxe. Il partage pour Glion sa vision d’un luxe dématérialisé qui tend à l’épanouissement personnel.

 

C’est un exercice périlleux que de décrire mon métier ! Disons d’une certaine manière que je l’ai inventé. J’ai été journaliste dans les médias pendant une quinzaine d’années, je traitais plusieurs domaines culturels qui me passionnaient comme la musique, la littérature, la mode, le design, le cinéma, etc. La gastronomie, le voyage, qui appartiennent selon moi autant au domaine de la culture que l’art ou le théâtre.

Le journalisme m’a permis de beaucoup voyager et de me faire un réseau aussi transversal qu’international dans un univers, en général, plutôt monothéiste.

En 2010, pressentant le changement des médias, j’ai voulu réfléchir à une forme de journalisme différent qui s’est traduit par la création du Cabinet de Curiosités de Thomas Erber J’ai créé mon premier cabinet chez Colette puis il a parcouru le monde durant toute la décennie. Chez Kitsuné à New York, dans un mall d’ultra-luxe à Bangkok, ou encore à Berlin, Londres…

Le principe est de faire intervenir différents acteurs culturels que j’admire et à qui je demande de produire des pièces uniques ou en édition limitée illustrant l’excellence de leurs savoir-faire et spécialement produites pour mon Cabinet.

Depuis deux ans, ce dernier est installé à l’Hôtel de Crillon. Ce fut aussi l’occasion d’avoir une réflexion passionnante sur la place du retail à l’intérieur d’un palace traditionnel parisien avec des professionnels de l’hôtellerie de luxe, tout en redéfinissant les codes de l’hôtellerie de luxe – domaine très conservateur où il y a encore fort à faire.

Le luxe de la spiritualité

Dans mon métier, j’incarne une certaine forme de luxe. Je le fais en étant fidèle à moi-même. Lorsque je collabore avec mes clients, j’essaye de les amener à une définition du luxe singulière et qui peut être intéressante pour le développement de leurs projets à venir.

Selon moi, dans les pays occidentaux, le luxe est en train de se dématérialiser, non pas pour se digitaliser mais pour se spiritualiser, se raréfier.

Le luxe tend de plus en plus vers l’ascèse. Lorsque celui-ci était lié à un savoir-faire ou à une culture il y avait une dimension mystérieuse d’aller le chercher qui participait de sa définition. Le luxe devait être quelque chose de rare, de difficile à obtenir et qui nécessitait une intention et non un caprice pour créer ce sentiment d’inédit et la satisfaction d’y avoir accès.

Aujourd’hui, c’est devenu très difficile à ce niveau-là. Puisque désormais et trop souvent, le luxe est associé au commerce de biens onéreux, c’est en tout cas une acception du luxe communément partagée de notre époque en occident du moins. Or cela me donne précisément envie de m’en éloigner le plus possible. Le luxe pour moi c’est tout ce dont on ne va pas m’abreuver toute la journée à force de marketing qui me semble d’une vulgarité à des années lumières de ce que moi je considère comme étant un (vrai) luxe. Aujourd’hui il est dur de pouvoir accéder à une forme de simplicité du luxe et qui n’empêche pourtant pas, bien au contraire, une forme certaine de sophistication.

Prendre son temps : le comble du luxe

Pour moi le comble du luxe est l’art de prendre son temps. Je le prends très souvent d’ailleurs, et je l’assume complètement !

Le luxe le plus incroyable que j’ai expérimenté récemment a été de faire le tour du Mont Blanc à pied pour mes 50 ans en pleine pandémie. De même que pratiquer le jeûne dans la solitude et en milieu naturel est un luxe inouï. Cela en apprend beaucoup sur sa propre psyché, sur le monde qui nous entoure et sur les autres.

Lorsque j’avais 20 ans, j’avais adoré dans Vanity Fair un reportage sur les plus grands explorateurs qui sillonnaient le monde à la découverte de ses endroits les plus extrêmes. Edmund Hillary, premier homme à avoir gravi l’Everest, avait dit que son plus grand luxe était de prendre un bain après une expédition. C’est resté pour moi et depuis la plus belle définition du luxe que j’ai pu trouver, notamment par sa portée métaphorique si l’on y réfléchit bien.

Enfin, la liberté de penser est le meilleur symbole du luxe. Elle est plus que jamais essentielle par ces temps où l’on prône une uniformisation de cette même pensée – ce qui est à bien y réfléchir totalement navrant.

Le luxe est une manière d’être authentique, de ne pas reproduire à l’identique (et souvent en moins bien) un projet à succès lorgné chez son voisin. Aux origines du luxe, on faisait les choses pour soi, pour répondre à une ambition personnelle, et non pour copier ou surpasser un concurrent.

Le luxe a connu la même problématique que la culture en général. Une déclinaison inquiétante qui s’incarne à travers une certaine forme de corporatisation et de recherche du profit et non de l’émotion. Les milieux du luxe sont très stéréotypés aujourd’hui. Les grands groupes du luxe n’ont finalement fait qu’appliquer à ce milieu les règles de la grande distribution. Et cela a finalement très bien fonctionné – en tous cas pour eux. Mais cela a apporté une uniformisation du luxe, et d’une certaine manière, ça a fini par le galvauder, l’éroder.

Lorsque l’on retrouve une marque de ce luxe-là à chaque coin de rue de chaque grande ville du monde et dans chaque aéroport, la question se pose alors : est-ce encore vraiment du luxe ? Pour moi, la réponse est limpide : non ! C’est autre chose, mais ça n’est plus du luxe. La bonne nouvelle c’est que le vrai luxe, lui, a évolué. Il est parti ailleurs, vers des sommets bien plus inaccessibles.

En effervescence permanente

Je réfléchis à ouvrir un autre Cabinet, tourné vers un luxe contemporain que je lancerai sans doute d’ici à la fin de l’année. Parallèlement, j’ai co-développé plusieurs projets entrepreneuriaux : une galerie photo à Bruxelles, une marque de prêt-à-porter pour hommes, le site de design de mobilier de collection édité au 21e siècle Kolkhoze.

Puis en 2020, j’ai co-créé l’agence Rupture & Associés qui connecte les marques aux artistes et au monde de la culture. C’est une Villa Médicis moderne qui regroupe, autour de son activité de conseil et de création, une galerie d’art et une résidence d’artistes.

Je crois que le luxe du futur sera un luxe hors des réseaux, de la digitalisation, de la standardisation et des autoroutes de la consommation. Un luxe difficile à capter et profondément expérientiel, beaucoup plus personnel et intime. Il permettra ainsi d’aboutir à une forme d’épanouissement personnel et non à une frustration permanente.

Picture credits:

Main image: @thomaschene @wallpaper

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