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Devenu un nom incontournable de l’art contemporain, Gaël Charbau soutient la création émergente et fait sortir l’art des institutions depuis plus de 10 ans. Après la direction artistique de Nuit Blanche 2018 à Paris, il assure celle du Village Olympique des prochains Jeux Olympiques pour laquelle il se fait conteur d’histoires. Pour The Insider, il porte son regard aiguisé sur la notion de luxe.

« Associer des intelligences pour produire un objet, matériel ou non, qui n’est pas seulement une belle chose, qui dépasse le cadre de son usage ou de sa fonction pour atteindre un ailleurs. » Ce n’est pas l’art que nous définit là Gaël Charbau, mais bien la notion de luxe.

Art, luxe, les logiques sont les mêmes : « Le luxe, c’est avoir le temps de penser quelque chose qui n’est pas efficace immédiatement. A ce titre, l’art est un luxe, un luxe essentiel. Pour la plupart des gens c’est une activité qu’on peut considérer comme annexe. En réalité elle est essentielle, puisqu’elle nous permet d’accepter la vie, la mort, les inconnus de l’univers… En réalité, la chose la plus luxueuse qui soit, c’est celle qui lutte contre la mort. Le luxe renvoie à l’idée que les choses sont périssables, comme les vanités. Ça a quelque chose de presque romantique. »

« Avoir le temps de penser quelque chose qui n’est pas efficace immédiatement ». Ce temps-là, Gaël Charbau en a fait son métier. Commissaire d’expositions, critique d’art et directeur artistique, il porte au quotidien un regard singulier sur le monde, sur ses formes, sur les histoires qu’elles racontent.

« Je peux passer des heures à regarder comment les choses sont faites. Des objets, des œuvres d’art évidemment, mais aussi des ponts, des villes, des bâtiments, des vêtements, les étoiles… »

« J’ai un grand défaut : je regarde toutes les formes. C’est un tropisme que les designers ont peut-être. Je peux passer des heures à regarder comment les choses sont faites. Des objets, des œuvres d’art évidemment, mais aussi des ponts, des villes, des bâtiments, des vêtements, les étoiles… jusqu’à la chose la plus inintéressante qui soit au fond d’une poche. »
Un tropisme peut-être, certainement une question d’éducation aussi, pour celui qui a commencé sa carrière comme professeur d’arts plastiques.

Il constate : « Une immense majorité des gens n’est plus amenée à se préoccuper des formes après les cours d’arts plastiques qui sont donnés au collège. On peut poursuivre toute sa scolarité et sa vie professionnelle sans penser qu’il y a une générosité, une richesse, une beauté, un plaisir incroyable à regarder les choses, à les comprendre, à aller vers ce qu’on ne comprend pas forcément. Beaucoup de monde ne pense même pas que chaque chose qui nous entoure a fait l’objet d’un dessin, d’une pensée plastique, même ratés..! »

L’art est essentiel

Pour autant, cette incompréhension dont pâtit la forme et a fortiori l’art contemporain n’est pas une fatalité. Selon lui, le rôle éducatif de l’art est une évidence, et il doit pouvoir s’exposer partout, aller à la rencontre d’un public même récalcitrant, sans crainte de quitter l’écrin des musées. « Je pense que c’est très important d’ouvrir tous les lieux à l’art. »

Quand on envisage cette sortie pour le moins sonore de l’art des musées, l’industrie du luxe est évidemment une destination naturelle. En tant que commissaire d’expositions du programme de résidences d’artistes de la Fondation Hermès, Gaël Charbau est un observateur de premier rang des rencontres entre ces mondes.

Gaël Charbau

À ce propos, il explique « la rencontre magnifique c’est celle d’artistes inspirés et d’artisans passionnés. Si on considère le luxe, au sens des marques de luxe qui font appel à des artisans et des savoir-faire, il y a quelque chose de très fort dans leur rencontre avec des artistes, à travers une compréhension qui ne passe pas forcément par le langage, mais par des gestes, une compréhension de la matière, de sa complexité. »

En ce qui concerne les stratégies marketing des marques de luxe qui collaborent avec des artistes, Gaël Charbau est plus prudent. « Ça peut être très raté… » dit-il. Pour autant, elles peuvent avoir des vertus : « Ce type de collaboration peut venir transformer la dimension d’icône de certains objets de luxe ».

C’est bien son potentiel transformateur que l’art poursuit de démontrer dans ces collaborations, au-delà d’une stratégie purement mercantile.

Alors pour lui, qui prend ce temps si luxueux de la pensée, et qui nous incite à le faire en invitant l’art dans tous les lieux, dans toutes les rues, quel est le luxe suprême ?

« Ce serait d’avoir la chance de penser des espaces en fonction des œuvres et pas l’inverse. » Une utopie peut-être, mais bien de celles qui nous confirment que le luxe a pour habitude de flirter avec le rêve.

Crédits :

Image principale : avec l’aimable autorisation de la Galerie Christian Berst Art Brut
Gaël Charbau : avec l’aimable autorisation d’Audi Talents
Gaël Charbau portrait : par D.R.

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